RnD Café ☕️ – #387
TENSION
Bonjour à toutes et à tous
La tension est palpable : le contexte géopolitique s’invite à nouveau dans les débats numériques.
La guerre commerciale qui nous pend au nez ravive la question de notre souveraineté numérique.
L’Europe dépend à 98 % des solutions logicielles américaines, un marché estimé à 261 milliards de dollars. L’UE hausse le ton, la France aussi entre dans le jeu.
Une sortie par le haut est-elle encore possible ?
Et si non ? Oeil pour œil ? Sommes-nous prêts à encaisser un +25 % sur nos abonnements Cloud US ?
En 2025, le coût annuel moyen par salarié est déjà de 4830 $, en hausse de 22 % selon Zylo — un éditeur, certes, mais les ordres de grandeur interpellent.
Pendant ce temps, Trump utilise les tarifs douaniers comme levier sur TikTok. La plateforme devient un pion dans sa négociation commerciale avec la Chine. La revente des activités américaines de TikTok devait être actée aujourd’hui, le 5 avril… mais a encore été repoussée car « cela demande du temps de tout signer« .
Parmi les repreneurs potentiels : Amazon — un signal fort, alors que TikTok Shop s’implante en France, mêlant contenu et e-commerce, incitant les marques à proposer des expériences exclusives plutôt que de recycler leurs fiches produits.

Et cela, c’est sans parler du risque réglementaire.
Bruxelles envisage d’assouplir le RGPD pour les entreprises de moins de 500 salariés, mais les fondamentaux resteront intacts : la protection des données personnelles demeure une liberté fondamentale, inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Cloud Act, lois extraterritoriales, démantèlement du PCLOB par l’administration Trump… Autant de signaux qui pourraient pousser la Cour de Justice européenne à annuler le Data Privacy Framework. Explications ici (RnD Café #383).
L’Union européenne s’apprêterait d’ailleurs à frapper fort contre X (ex-Twitter), propriété d’Elon Musk, pour non-respect du Digital Services Act, une loi clé qui impose aux plateformes de mieux modérer les contenus illicites et la désinformation. Une amende pouvant dépasser le milliard de dollars est envisagée, ainsi que des exigences techniques. En ligne de mire : le manque de transparence sur les algorithmes, les publicités, et la gestion des comptes « vérifiés », qui ouvrirait la porte aux abus et à l’ingérence étrangère. Source : New York Times.
Et pour la première fois un grand groupe français prend la parole sur le sujet. Alain Garnier relaie un appel de Patrick Pouyanné (PDG de TotalEnergies) en faveur de solutions numériques souveraines et propose des solutions pour atténuer le risque : développer un cloud européen souverain (serpent de mer…), d’héberger les données sensibles hors des infrastructures américaines, de soutenir des champions technologiques européens, et d’harmoniser la régulation numérique au niveau européen pour réduire la dépendance aux GAFAM.
Yapluka ? Il existe des alternatives, mais elles demandent du courage… et de retrousser ses manches…
Autre signal fort cette semaine : la prise de conscience autour de la formation s’intensifie.
Individuelle, collective, sociétale… elle devient un enjeu central.
Il ne s’agit plus seulement de « monter dans le train de l’IA » pour ne pas rester sur le quai, mais de comprendre pourquoi on monte, et ce qu’on y fait.
Monter dans le train de l’IA, c’est rester compétitif, gagner en productivité certes, ouvrir la voie à l’innovation, renforcer son employabilité et garder son autonomie face aux grandes plateformes. Développer une certaine forme de singularité.
On m’a rétorqué récemment que l’appel à « développer l’esprit critique » servait surtout d’excuse, voire de justification, pour éviter de se positionner clairement face à telle ou telle innovation. Une sorte de paravent intellectuel bien commode.
Pourtant, l’esprit critique n’est pas un refuge : c’est un outil. Il ne s’oppose pas à l’innovation, il permet de mieux la comprendre, de mieux l’encadrer, et surtout de mieux choisir ce qu’on en fait.
Il ne s’enseigne pas si facilement mais il se pratique encore et encore.
Par exemple en visionnant le cycle des quatre conférences à la Sorbonne de Gérald Bronner : Développer son esprit critique face au monde de la désinformation. La dernière était la semaine dernière, la prochaine et dernière du cycle, le 13 mai (complet). Mais tout est (sera) en ligne : conférence 1, conférence 2.
Le marché de la formation connaît donc une progression notable (nous le vivons chez RnD aussi avec les formations proposées depuis 2023).
Magma rappelait cette semaine une idée essentielle : se former à l’IA ne suffit pas — il faut cultiver en continu ses compétences. Les entreprises doivent accompagner cette évolution, sous peine de perdre leurs talents.
Trois leviers clés émergent (plusieurs solutions existent déjà) :
- Former autrement : proposer des expériences immersives qui simulent des métiers réels, pour aider les jeunes à se projeter et à mieux s’orienter.
- Valoriser les compétences internes : en cartographiant les savoir-faire et en facilitant la mobilité, on redonne de l’élan aux carrières.
- Réinventer l’orientation professionnelle : l’enjeu n’est plus de connecter, mais de guider. Les outils intelligents offrent aujourd’hui un accompagnement personnalisé : diagnostic, coaching, trajectoires sur mesure.
À noter une nouvelle ressource cette semaine avec le lancement par OpenAI d’une Académie gratuite proposant des cours sur l’IA pour tous les niveaux, incluant des vidéos, des ateliers et des sessions en direct.
À retenir : la vraie transformation RH, ce n’est pas d’anticiper les métiers qui disparaissent, mais d’activer aujourd’hui les talents de demain.
Brèves de la semaine
Acteurs IA, Agents
Google Gemini 2.5 est le premier modèle d’IA public à surpasser de manière définitive les performances de titulaires de docteurs en philosophie sur des questions complexes. Il aurait atteint un score d’environ 81% au test GPQA Diamond, considéré comme un bon indicateur indépendant. En moins de deux ans, le coût par million de tokens pour des modèles de type GPT-4 est passé de 100 $ à environ 0,30 $ — soit une baisse de 99,7 % !

ChatGPT lève à nouveau : 40 milliards de dollars (valorisation 300 Md$) avec 500 millions d’utilisateurs hebdomadaires.
Toujours beaucoup d’exemples autour de l’IA Agentique, c’est à dire la création d’automatisation incluant ou pas de l’IA. Ce sont les agents qui vont devenir nos assistants quotidiens. On en parlait dans le dernier RnD Café.
Cette semaine, pas mal d’exemples et de questions :
- Comment automatiser la planification de réunions en analysant les emails et en proposant des créneaux horaires ? Vidéo qui vous permettra de comprendre ce qu’il y a sous le capot.
- Quel sera l’avenir du web, quand il ne sera plus parcouru que par des agents ? Et oui… les agents IA ne se contentent plus de répondre à nos questions : ils naviguent à notre place, comparent, décident et agissent. Résultat ? Moins de clics, moins de trafic, et un risque majeur pour le modèle économique du web basé sur la publicité. Si l’on ne consulte plus les sites, qui paiera les créateurs de contenu ? À lire ici : Et si l’IA cassait Internet ? Comment les agents transforment la navigation web et son modèle économique.
Fred Cavazza insiste sur une idée importante : les marques risquent une nouvelle désintermédiation, cette fois par les agents conversationnels. Demain, on demandera à son assistant IA quelle marque choisir… Pour éviter de devenir de simples fournisseurs, les marques doivent créer leurs propres « concierges » : des agents intelligents qui conseillent, orientent et améliorent la conversion. Fini le catalogue à parcourir soi-même : l’expérience devient fluide et personnalisée. Adobe montre la voie avec son Brand Concierge (source), Amazon avec Rufus et d’autres agents qui pourront surfer pour vous sur d’autres sites.
Il est temps pour les marques de tester ce modèle, en connectant ces assistants à leurs données produits (Product Information Management) et contenus (Digital Asset Management), et en rééquilibrant leurs budgets marketing : moins d’acquisition, plus de transformation. Objectif : reprendre la main sur la relation client, et recréer du lien, pas juste vendre.
Beaucoup de ressources pour ceux qui veulent fouiller le sujet : How to Build & Sell AI Agents: Ultimate Beginner’s Guide (Vidéo ultra complète mais 3h50 !) et 10 chaînes YouTube à suivre.
Outils

Sur les outils, après ChatGPT Images la semaine dernière (et toutes les dérives qui s’en suivent comme les futures arnaques aux notes de frais, aux assurances), c’est Midjourney V7 qui est sorti hier.
Après des débuts mitigés — il faut entraîner le modèle sur environ 200 images — l’enthousiasme grandit dans la communauté créative. Au programme : personnalisation accrue, coût divisé par deux, génération 10 fois plus rapide.
Le mode vocal (draft mode) marque un tournant : on peut désormais donner des instructions à l’oral pour modifier une image (« change ceci, change cela », comme le montre la vidéo de Léo Kadieff 👇). Cela préfigure, selon moi, l’importance croissante de la voix dans les interfaces.
Attention, on reste sur une version alpha : les textes sont mal rendus, les fameuses mains à six doigts sont de retour, et la cohérence d’ensemble (mode Reference) n’est pas encore disponible.
Avis d’experts ici : Gilles Guerraz, Geniart.

Vidéo IA : Runway Gen-4 débarque
Neuf mois après sa dernière version, Runway lance Gen-4, un nouveau modèle vidéo à la qualité de rendu nettement améliorée. Malgré des performances encore lentes et l’absence de fonction texte→vidéo, deux éléments marquent les esprits : un réalisme proche du cinéma et l’annonce d’un contrôle plan par plan, qui ouvre la voie à une création vidéo IA ultra-personnalisée. Un vrai gain de temps à la clé. 👉 Lire l’analyse sur Générative

Avatar
Créer une interview vidéo à partir d’un article, Heygen le propose. Imparfait sur la forme, le fond n’était pas si mal et c’est Ethan Mollick qui le dit.

Créativité
J’ai particulièrement aimé le post de Pierrick Chevallier cette semaine. Souvent cité ici, il se présente comme AI VFX Prompt Artist et travaille actuellement sur une grosse production US pour Amazon Prime (House of David, saison 2).
Il rappelle avec justesse que le niveau de détail et les exigences d’un réalisateur ne sont pas toujours compatibles avec les limites des IA. Et dans ces moments-là, une seule solution : revenir à notre bon vieux Photoshop.
Sa conclusion est parfaite :
« C’est là que je prends le plus de plaisir. Quand je laisse les prompts de côté et que je retrouve cette sensation de “sculpter une image” à la main. Parce qu’au fond, IA et humain… Ce n’est pas un combat. C’est un duo. Un équilibre. Une chorégraphie. »
Pierrick Chevallier
Pas mieux !
Un peu de poésie retrogaming avec la possibilité de générer des effets de parallax via ChatGPT Images — cette technique d’animation donne une illusion de profondeur en faisant défiler les plans d’arrière et d’avant-plan à des vitesses différentes, comme dans les vieux jeux vidéo en 2D. Voir ici.
Deux vidéos circulent beaucoup (vu chez Emmanuel Vivier).
Cette publicité fictive (spec ad) imaginée par David Blagojevic pour KFC repousse les limites de la création visuelle par IA. L’objectif : produire une campagne food & beverage ultra-réaliste sans aucune prise de vue réelle.
Tout part d’un storyboard dessiné à la main, suivi d’une chanson générée par IA, d’une intro 3D pour maîtriser les mouvements de caméra, puis d’un long travail d’images générées, d’animations, de VFX et de sound design.
Sept outils ont été mobilisés. Vous l’avez compris : ce n’est pas magique. On est dans la chorégraphie évoquée plus haut avec beaucoup de rigueur, de temps et de talent pour orchestrer chaque détail.

Autre travail colossal ici (2,5 mois de travail) d’un court métrage (3′) sur un avenir où humains et IA collaboreront… par Aze Alter.

Allez, il est temps de fermer les écrans et de partir baguenauder.
Je vous laisse avec ce dernier exercice créatif d’une typo toute printanière par Etienne Mineur.
Très bon week-end à vous toutes et tous.

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